Nucléaire : "Atomic Anne" corrige le Pdg d'EDF Henri Proglio

Publié le par Maxime Petit

LYON, samedi 26 novembre 2011 - L'emploi et le nucléaire, un sujet explosif à six mois de l'élection présidentielle de 2012. Quand le Parti socialiste (PS) négocie un accord avec Europe-Ecologie Les Verts (EELV) pour une réduction de la part de l'énergie nucléaire en France, Nicolas Sarkozy et son gouvernement renvoient à « l'intérêt stratégique » que représente cette énergie pour le pays. Au concert des pro-nucléaire, la voix d'Henri Proglio, patron d'EDF, pointe même une menace sur le « million d'emplois » généré par l'atome. Un chiffre colossal, battu en brèche par Anne Lauvergeon (surnommée "Atomic Anne"), ancienne patronne du géant du nucléaire Areva, au cours d'un débat sur l'énergie avec le député écologiste européen Daniel Cohn-Bendit, vendredi 25 novembre, au Forum du quotidien Libération à Lyon. « Monsieur Proglio a dit 1 million d'emplois menacés dans le nucléaire. (...) Je me suis dit qu'il avait un petit peu fumé la moquette. » Selon elle, la « vérité » serait de « 125 000 emplois directs », et « entre 300 et 400 000 emplois indirects ». Elle faisait ainsi référence à une étude commandée par Areva au cabinet PriceWaterhouseCoopers. Anne Lauvergeon s'est par ailleurs présentée en défenseuse des énergies renouvelables mais, selon elle, il faut être « réaliste ». Le nucléaire sert l'industrie, et « s'il n'y a plus d'industrie en France, nous sommes fichus ».

  M. P 


Les enseignements du débat Lauvergeon / Cohn-Bendit 

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Tour à tour piquants ou guignolesques, les échanges du débat entre Anne Lauvergeon et Daniel Cohn-Bendit, au Forum Libération de Lyon, vendredi, ont été pour le moins savoureux et instructifs. Au cours de la confrontation entre l'ancienne patronne du géant Areva et l'eurodéputé d'Europe-Ecologie Les Verts, la salle a pu grappiller certaines informations essentielles, à l'heure où la question de l'avenir de l'atome français se pose. Le thème était « Quelles énergies pour l’avenir ? ».

Première constatation : au-delà des postulats idéologiques, rien n'est simple. Nucléaire et énergies renouvelables ont chacun leurs avantages et inconvénients. On ne peut pas être à 100% anti-nucléaire. Ni d'ailleurs pour une France fonctionnant uniquement grâce aux centrales nucléaires (actuellement la part de l'atome dans la production d'énergie est de 75%).

Pourquoi a-t-on besoin du nucléaire

L’un des arguments avancés par Anne Lauvergeon est le besoin croissant d’énergie. L’ex-dirigeante d’Areva évoque les « 9 milliards » d’êtres humains qui peupleront prochainement la Terre. « On a besoin de toutes les énergies », argumente-t-elle. Un peu plus loin dans le débat, elle souligne aussi l’arrivée future du véhicule électrique. D’après Mme Lauvergeon, le nucléaire « ne coûte pas très cher », et « n’émet pas de CO2 ». Un argument massue face au « réchauffement climatique ». L’occasion de décocher une pique à son voisin Cohn-Bendit : « On en n’entend plus parler dans le discours des Verts… ». Ce dernier s’offusque que ce n’était pas la question posée pour le débat.

Fukushima et la peur de l’atome

Le mot d’ordre d’Anne Lauvergeon : ne fournir la technologie nucléaire qu’aux « pays sophistiqués, stables et rationnels ». N’était-ce pas le cas du Japon, l’une des premières puissances mondiales ? Un argument fragile, donc. La catastrophe qui a relancé le débat de l’atome en Europe est l’accident japonais de Fukushima, survenu en mars 2011 (fuites dans la centrale après un tsunami). La sûreté nucléaire, et l’épée de Damoclès que représentent les risques d’accidents, sont donc au cœur de la confrontation. Pour Anne Lauvergeon, « la digue [qui protégeait la centrale, NDLR] n’était pas assez haute de 10 mètres », et l’Autorité de Sûreté nucléaire japonaise ne serait « pas assez forte », selon elle, contrairement aux instances de France et des Etats-Unis.

Réplique de Daniel Cohn-Bendit, qui renvoie à l’accident de Tchernobyl, le 26 avril 1986 en Ukraine. D’après l’écologiste, à l’époque on disait « c’est les Russes, les communistes, ils ne sont pas stables ». Aujourd’hui, le Japon y est aussi confronté. « Les scientifiques ne savent pas ce qui peut arriver au Japon ou en France », pense M. Cohn-Bendit. Il pointe notamment le chantier de l’EPR de Flamanville, réacteur de troisième génération, construit dans le département de la Manche, au niveau de l'eau.

Des questions sur le renouvelable

Anne Lauvergeon, qui s’est présentée comme une partisane des énergies  renouvelables, a aussi pointé des failles dans les technologies actuelles. Le Danemark compte « 17% d’éoliennes », et pourtant le citoyen danois émet « 9 fois plus de CO2 que le citoyen français ». Pour Daniel Cohn-Bendit, des expériences fonctionnent. A l’image, d’un accord dans le Nord de l’Europe pour un transfert d’énergie entre pays en fonction du vent, selon s’il souffle plus dans un pays que dans un autre.

Autre exemple, que connait particulièrement M. Cohn-Bendit, homme politique franco-allemand, celui de l’Allemagne. « L’Allemagne est sortie du nucléaire. » Depuis le début de son programme, le pays a créé « 350 000 emplois ». Anne Lauvergeon précise que l’Allemagne est aussi dépendante du gaz russe. Daniel Cohn-Bendit conclut qu’il s’agit d’un « pari technologique ». « Un pari technologique qui porte sur 400 000 emplois et qui met en jeu la compétitivité du pays », pour Mme Lauvergeon.

La problématique de l’emploi

Evoqué dernièrement dans le débat national sur le nucléaire, à 6 mois de la présidentielle (voir plus haut la réponse d’Anne Lauvergeon au PDG d’EDF Henri Proglio), l’emploi est un aspect déterminent en période de crise. Pour l'ancienne patronne d’Areva, « si l’on n’est pas compétitif, c’est l’industrie qui n’est pas compétitive ». Pour elle, la France n’est pas « le petit Trianon de Marie-Antoinette, avec des petits moutons et des fleurs roses ». D'après Daniel Cohn-Bendit, la restriction des aides de l’Etat français à la filière photovoltaïque a couté « 20 000 emplois ». Anne Lauvergeon précise que lorsque 3 emplois sont créés dans le nucléaire, 1 est créé dans l’éolien et moins de 1 dans le photovoltaïque (les panneaux étant essentiellement fabriqués en Chine).

Le choix du peuple

Daniel Cohn-bendit souligne enfin qu'il n’y a jamais eu de débat sur le nucléaire en France. L’eurodéputé demande un référendum. Il est rejoint sur cette idée par Anne Lauvergeon. « Le sujet est trop sérieux pour le laisser aux seuls politiques et aux seuls experts », explique-t-elle. M. Cohn-Bendit précise qu’il « n’y a pas de solution au problème énergétique qui soit nationale ». Il appelle à une « stratégie de transition énergétique qui soit européenne ».

M. P

Photo M. P

Légende photo : La Grande salle de l’Opéra de Lyon accueillait vendredi un débat entre Anne Lauvergeon (ex-patronne d’Areva) et le député écologiste européen Daniel Cohn-Bendit, animé par le directeur de la publication et de la rédaction du quotidien "Libération", Nicolas Demorand. Le public a occupé les trois-quarts de cette salle de 1 100 places.

_Logo_libe_QUADRI_.jpg  La vidéo du débat de "Libération" : cliquer ici.

 

 


Publié dans Politique

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